De Jupiter à M 13

[Vivlepic]

CROA des 3 et 4 mai 2014 de 21 heures à 2 h 30

Télescope : Skyvision 400 mm compact F/D =4.3

Oculaires: Panoptic 24mm, Nagler 13 et 5 mm, Explore scientific 6.7 mm et Paracorr.

Titre : De Jupiter à M 13

D'une Lune un peu automnale, presque fondue en tons brouillés, que faire sinon la regarder en se disant que ce sera pour un autre soir ?

C'est Jupiter qui me tente d'abord mais une fois de plus, quelle déception puisque la turbulence fait bouillonner la planète qui fait sa cabotine, se masque de gomme à mâââcher. On discerne, au Panoptic 24, quelques bandes un peu brunes mais cette tranche de cassate se dérobe au point que ce seront les satellites qui retiendront mon attention, étant curieusement les plus définis. Toutefois, je ne resterai pas dans cet environnement : ce sont quelques galaxies de la Vierge, de la Chevelure de Bérénice qui ont été élues ce soir.

Le skycommander me permettra de les identifier toutes.

Rapidement. Ce qui n'est pas à dédaigner lorsque l'on préfère observer au lieu de chercher...

M58, jolie spirale accompagnée d'une belle étoile orangée.

M 104, impériale, envahissante. Son coeur est presque éblouissant. On discerne très bien au Nagler 13 mm la bande d'absorption. Les extensions demandent un peu de temps, en vision latérale, pour être discernées. Un petit coup d'oeil à l'image imprimée, tirée du BT-Atlas pour me convaincre que je n'y surprendrai pas de supernova...

Je prends mon temps, fais défiler la galaxie dans tout le champ, me régale d'étoiles piquées avant d'utiliser l'ES 6, 7mm qui me semble plus adapté. L'image exploite, envahit tout le diamètre du champ. Bulbe, extensions... c'est à se griser de volutes, de vagues que l'on imagine là-bas chahutées. De drames peut-être qui se jouent, de mondes que je ne peux qu'imaginer tant ce véritable univers me fascine. Où je me perds.

Puis M59, une petite elliptique. Non ! Une foule... Évidentes...

Elles sont trois dans le champ du Nagler 13 et je vais passer un temps infini à tâcher de les distinguer : NGC 4647 et 4649. À chercher en vain un lien entre elles. Elles me font presque penser aux Antennes, s'accompagnent de petites étoiles fines formant une vaste croix. Je me rendrai compte plus tard, grâce à Cartes du Ciel que le champ, pour peu que l'on décale un peu le télescope, en recelait d'autres, imperceptibles.

Les crapauds et grenouilles entament soudain leur kyrielle de " Quoi ?", pas du tout déplacés dans cette ambiance.

M 60 ! Le point d'exclamation n'est pas surfait.

En coalescence, NGC 4647, dont je m'attache à observer le profil de spirale. Je rêve de surprendre une SN dans ce qui doit être un appariement tourmenté.

Pour peu que je bouge un peu le tube, une autre galaxie apparaît.

Mais une poussière fine traverse le champ ! L'illumine ! Surprise !

Je n'ai pas vraiment envie d'identifier cette petite galaxie de très faible magnitude que j'ai pu voir grâce aux deux autres.

Puis, c'est NGC 5054. Une spirale encore. Je n'ai pas vu la faible galaxie qui la " chapeaute".

NGC 5560 et 5566, deux spirales assez faibles et toujours au Nagler 13 mm.

Je ne verrai pas la 5569...

Me voici dans la Chevelure de Bérénice que je ne trouve pas " franchement laide", n'en déplaise à Aragon .

Je commence avec NGC 4414, très jolie spirale de magnitude 10,2. Dense. Lumineuse. Elle est "facile", semble un peu perdue dans le champ piqueté d'étoiles fines.

Il est presque minuit, déjà.

NGC 4419, une elliptique de magnitude 11, 3 apparaît dans le champ de l'oculaire, placée presque au centre d'un triangle d'étoiles tandis que la Grande Ourse, les Chiens de Chasse me font de l'oeil. Je vais résister à l'envie d'aller surprendre M 51...

NGC 4450 est une belle spirale , toute perdue près d'une étoile de belle magnitude, presque trop brillante. Elle file doucement, semble me chuchoter d'avancer car le ciel paraît blanchir.

NGC 4473 et 4477. Évidentes bien que faibles et petites. Le champ est très dépouillé. Qui a bien pu déposer ces traces de coton sur ce vélin noir ?

NGC 4494, très fine. Très brillante. Elle est proche d'une étoile délicate tandis qu'un véritable phare, très proche empêche de surprendre les fins détails et qu'il faut sortir du champ.

M 88...

Wow... un monstre de lumière, large et accompagné d'un joli couple d'étoiles. On se perd dans les volutes de cette immense spirale de magnitude 9.5. Changer d'oculaire en révèle les chantournements, les bouleversements. Le tohu-bohu presque. On songe à Descartes et à ses tourbillons en la regardant.

M 91 est une spirale de magnitude 10,3 et plus fine par contraste. Perdue elle aussi. J'essaie de voir les bras, les discerne en vision latérale. Il me faut, là encore, prendre mon temps. Laisser les grains de lumière m'arriver. M'imbiber la prunelle, presque !

NGC 4565 qu'on ne présente plus...

On a tout employé comme métaphores pour évoquer cette galaxie qui, nantie de ses deux étoiles accompagnatrices, tromperait l'amateur de SN profane ou débutant. C'est LA galaxie telle qu'on l'imagine. Elle trace un fuseau oblique dans le champ de l'oculaire. Je vois parfaitement bien le bulbe, la ribambelle de cinq étoiles presque alignées puis les deux compagnes. Etoiles presque " berger" qui semblent la contenir. Elle est de toute beauté.

Le Nagler 13 ne quittera pas le feather-touch.

NGC 4651... encore une spirale presque de magnitude 11. Elle est bien faible tant le souvenir de N 4565 est encore présent dans mon esprit. On dirait une boule de coton. Fluide, léger. Un cocon de pissenlit prêt à être soufflé par le vent. Par une bouche d'enfant.

NGC 4689 est une spirale. Le skycommander la centre parfaitement. On la raterait par précipitation à cause de cette étoile voisine, très lumineuse. L'anglais " fade " la caractériserait parfaitement. Non loin, quatre étoiles étirent un long parallélépipède.

NGC 4710 est une petite elliptique... un bébé-soucoupe-volante, accompagné de deux étoiles. Elle vaut la peine d'être admirée.

Le ciel s'est impeccablement dégagé. Jupiter se couche, le Lion est bien fatigué. Arcturus fait la nique à Mars...

Saturne va se faire choper par le Scorpion s'il n'y prend garde.

NGC 4725, spirale de magnitude 9.5 est de petite dimension. Elle est très belle ! Le Skyvision la poursuit de ses assiduités. On songe à la 7331, dans Pégase. Elle emplit tout le diamètre du champ. Cinq étoiles s'alignent. C'est tellement joli !

Sous elle, d'autres petits soleils jouent les bodyguards...

Je la voulais !

M 64.

Un monstre de lumière. De densité. Un oeil noir qui nous regarde...

C'est l'une de mes préférées. Qui me dira encore que passer d'un diamètre de 350 à 400 mm ne sera pas significatif. Laissez-moi rire ! J'ai l'impression de retrouver les images que j'ai faites d'elle avec la Hisis 22 et le Meade 254. Echarpe d'étoiles, tourbillons. Les mots s'imposent tant tout est évidemment beau. Je rêve une Sn s'allumant soudain sous mes yeux.

Chapeautée par un arc de cercle d'étoiles, véritable dôme perlé, elle est un rubis noir dont je me délecte longtemps.

M 53, amas globulaire impressionnant... et ces étoiles qui semblent vouloir lui échapper.

Le coeur est serré comme un poing.

On suit des cavalcades d'étoiles contrastant avec ce bel isocèle de soleils presque orangés.

Saturne...

Ce n'est pas une planète, mais une suite de lentes ondulations à cause de la turbulence. L'agrume Titan veille non loin de là. Puis ces petits satellites, pressés comme abeilles sur une coupelle miellée.

Décidément, ce ne sera pas la nuit des planètes mais bien celle des galaxies.

M 99. Je reste muet devant cette parfaite spirale, merveilleusement servie par l'optique. L'élancement de matière, de gaz, de poussières, d'étoiles est bien visible. C'est grisant de se laisser entraîner par cette envolée. On se rêve comme cette étoile qui paraît lui vouloir échapper. Quel régal ! Le Nagler 13 mm convient parfaitement pour cette galaxie.

M 98. Des spirales, encore des spirales, toujours des spirales...

Si Louis XV se lassait de la dinde, je ne m'ennuierai jamais de ces vertiges de volutes.

Quant à cette petite étoile ; elle a l'odeur, le bouquet d'une SN, mais elle n'en est pas une !

NGC 4302 et 4298 m'ont un peu déçu tant je gardais le souvenir d'une image CCD, les montrant accolées, bien visibles. On distingue bien un brouillon amalgamé de cotonnades entrelacées. Je ne pourrai pas les séparer pour les observer. Je sens un peu de fatigue aussi.

NGC 4283 et ses deux voisines...

Evidentes.

Toutes les droit forment une belle gradation de luminosité.

NGC 4286 est vraiment diffuse. Se devine plus qu'elle ne s'aperçoit.

Je joue avec les oculaires mais le 13 mm reste le plus adapté à la situation.

Treize...

M 13.

J'en suis resté muet.

Du 24 mm au 5 mm, l'amas est bien cette pelote d'épingles que l'optique attaque sans barguigner. Entame franchement. Ouvre. Écartèle si bien que je me balade dans un pur labyrinthe d'étoiles. Je n'ai pas, hélas, deux oculaires d'une telle qualité et d'une telle focale pour utiliser la tête binoculaire William Optics...

Je vais y penser alors que l'idée repousse la fatigue et m'engage à démonter, ranger ce très bon télescope. À me dire que demain je vous ferai partager cette très belle promenade, de " Jupiter à M 13".

[frédogoto]

tres joli croa, beau texte, on s'y sent. j'aime bien le coup des grenouilles . ben sinon pour la turbu y'a des jour avec et des jours sans. les "sans " son évidemment plus rare que les jours avec sinon ce ne serai pas drôle

[Xavier]

Superbe CROA,

Un beau texte qui nous emmène loin, prés des étoiles...

Au dernier mot, j'ai failli partir avec mon tube sous le bras, mais bon, trop de taf à finir...

Merci

Xavier

[Dieter333]

Merci de ce CROA, on s'y croirait en train de se perdre dans l'infinité des étoiles.

Tu n'as pas chômé dis donc !

moi qui n'ai jamais regarder dans plus d'un 250 je n'ose m'imaginer... un jour peut-être !

encore Merci (et du coup tu m'a permis de définir quelques cibles pour mes futures photos ;-) )