Philae révèle la matière organique de la comète Tchouri Des molécules organiques inédites sur une comète, une structure variée en surface mais plutôt homogène en profondeur, des composés organiques formant des grains : les résultats issus des premières données de Philae à la surface de la comète Tchouri dessinent un visage surprenant. Cette comète est loin d'être un clone de celles que l'on connaît... et elle ne colle pas complètement aux modèles en vigueur. Le 30/07/2015 à 20:01 - CNRS 10 commentaires RÉAGIR La comète 67P/Churyumov-Gerasimenko photographiée le 20 juillet par la sonde Rosetta, à 171 km du centre du noyau. À l’approche du périhélie, le 13 août 2015, son activité n’a de cesse d’augmenter. Philae repose sur le plus petit des deux lobes de cet astre d’un peu plus de 4 km de longueur. La résolution est de 14,5 m par pixel. © Esa, Rosetta, NavCam – CC BY-SA IGO 3.0 La comète 67P/Churyumov-Gerasimenko photographiée le 20 juillet par la sonde Rosetta, à 171 km du centre du noyau. À l’approche du périhélie, le 13 août 2015, son activité n’a de cesse d’augmenter. Philae repose sur le plus petit des deux lobes de cet astre d’un peu plus de 4 km de longueur. La résolution est de 14,5 m par pixel. © Esa, Rosetta, NavCam – CC BY-SA IGO 3.0 La mission de rendez-vous cométaire Rosetta a offert, grâce à l’atterrissage du module Philae, le 12 novembre 2014, une opportunité exceptionnelle : celle de l’étude in situ du noyau d’une comète – de sa surface à sa structure interne –, en l’occurrence 67P/Churyumov-Gerasimenko, ou Tchouri pour faire court. Ce travail à même la surface apporte de quoi faire progresser la compréhension de ces petits corps célestes témoins des origines du Système solaire. Les mesures réalisées avec les dix instruments de l’atterrisseur Philae, entre le 12 et le 14 novembre 2014, durant les 63 heures qui ont suivi sa séparation d’avec Rosetta, ont complété les observations effectuées par l’orbiteur. En outre, son atterrissage sur la comète, pleine de rebondissements, a même été source d’informations supplémentaires. Cosac montre des molécules organiques complexes Vingt-cinq minutes après le contact initial de Philae avec le noyau de la comète, Cosac (Cometary sampling and composition experiment) a réalisé une première analyse chimique, en mode « renifleur », c’est-à-dire en examinant les particules entrées passivement dans l’instrument. Ces particules proviennent vraisemblablement du nuage de poussière produit par le premier contact de Philae avec le sol. Seize composés ont pu être identifiés, répartis en six classes de molécules organiques : alcools, carbonyles, amines, nitriles, amides et isocyanates. Parmi eux, quatre sont détectés pour la première fois sur une comète : l’isocyanate de méthyle, l’acétone, le propionaldéhyde et l’acétamide. Elles sont des précurseurs de molécules importantes pour la vie (sucres, acides aminés, bases de l’ADN). Mais la présence éventuelle de ces composés plus complexes n’a pas pu être identifiée sans ambigüité dans cette première analyse. Par ailleurs, quasiment toutes les molécules détectées sont des précurseurs potentiels, produits, assemblages ou sous-produits les uns des autres, ce qui donne un aperçu des nombreux processus chimiques à l’œuvre dans un noyau cométaire et même dans le nuage protosolaire en effondrement, aux premiers temps du Système solaire. Cosac a identifié un grand nombre de composés azotés, mais aucun composé soufré, contrairement à ce qu’avait observé l’instrument Rosina, à bord de Rosetta. Cela pourrait indiquer que la composition chimique diffère selon l’endroit échantillonné. Civa voit de la matière organique agglomérée en grains Les caméras de l’expérience Civa (Comet infrared and visible analyser) ont révélé que les terrains proches du site d’atterrissage final de Philae sont dominés par des agglomérats sombres qui sont vraisemblablement de gros grains de molécules organiques. Les matériaux des comètes ayant été très peu modifiés depuis leurs origines, cela signifie qu’aux premiers temps du Système solaire, les composés organiques étaient déjà agglomérés sous forme de grains et pas uniquement comme de petites molécules piégées dans la glace comme on le pensait jusqu’à présent. Ce sont de tels grains qui, introduits dans des océans planétaires, auraient pu y favoriser l’émergence du vivant. Paysages variés à la surface de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, photographiée ici par Rosetta le 19 octobre 2014 à seulement 9,9 km du centre du noyau. Les reliefs au premier plan appartiennent au petit lobe où s’est posé Philae le 12 novembre. Une partie du plus grand lobe est visible à l’arrière-plan. Entre les deux, dans l’ombre, au pied des parois sombres, il y a le « cou » de la comète, un des sites les plus actifs. La résolution de l’image est de 77 cm par pixel. © Esa, Rosetta, NavCam – CC BY-SA IGO 3.0 Paysages variés à la surface de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, photographiée ici par Rosetta le 19 octobre 2014 à seulement 9,9 km du centre du noyau. Les reliefs au premier plan appartiennent au petit lobe où s’est posé Philae le 12 novembre. Une partie du plus grand lobe est visible à l’arrière-plan. Entre les deux, dans l’ombre, au pied des parois sombres, il y a le « cou » de la comète, un des sites les plus actifs. La résolution de l’image est de 77 cm par pixel. © Esa, Rosetta, NavCam – CC BY-SA IGO 3.0 Philae lui-même révèle la surface variée de la comète Avec sa masse de 100 kg, Philae est lui-même une source de données pour les astronomes. En effet, les propriétés mécaniques des terrains ont pu être déduites de son « accométissage » à rebondissements. L’atterrisseur a d’abord touché la surface à un endroit baptisé Agilkia, puis a rebondi plusieurs fois avant d’atteindre le site nommé Abydos. La trajectoire de Philae et les données enregistrées par ses instruments montrent que le premier point de touché (initialement choisi pour les opérations) est composé de matériaux granuleux sur une vingtaine de centimètres, alors que le second (où réside actuellement l’atterrisseur) a une surface dure. Consert voit un noyau cométaire homogène L’expérience radar Consert (Comet nucleus sounding experiment by radio transmission) a consisté à émettre un signal de Rosetta vers Philae à travers la comète. À la manière d'un scanner médical, ses modifications donnent pour la première fois accès à la structure interne d’un noyau cométaire. Première conclusion : l’intérieur de la comète paraît plus homogène que prévu par les modèles. Le temps de propagation et l’amplitude des signaux ayant traversé la partie supérieure de la « tête » (le plus petit des deux lobes de Tchouri) montrent en effet que cette portion du noyau est globalement homogène, à l’échelle de dizaines de mètres. Ces données confirment aussi que la porosité est forte (75 à 85 %), et indiquent que les propriétés électriques des poussières sont analogues à celles de chondrites carbonées. C’est dans cette région baptisée Hatmehit, située au sommet du plus petit des deux lobes du noyau cométaire, que se cache Philae. Le site initial nommé Agilkia est la dépression jonchée de rochers visible dans la zone exposée au Soleil. Mais après quelques rebonds, l’atterrisseur a dérivé de son point d’ancrage dûment choisi pour se loger dans un milieu différent et plus sombre. Le site où il réside depuis est désigné Abydos. Les reconstitutions de sa trajectoire le situent dans la région marquée par une ellipse rouge, en bordure d’Hatmehit. L’image a été prise par la caméra à angle étroit Osiris, le 13 décembre 2014, à 20 km du centre de la comète, un mois après l’atterrissage de Philae. © Esa, Rosetta, MPS for OSIRIS Team MPS, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA C’est dans cette région baptisée Hatmehit, située au sommet du plus petit des deux lobes du noyau cométaire, que se cache Philae. Le site initial nommé Agilkia est la dépression jonchée de rochers visible dans la zone exposée au Soleil. Mais après quelques rebonds, l’atterrisseur a dérivé de son point d’ancrage dûment choisi pour se loger dans un milieu différent et plus sombre. Le site où il réside depuis est désigné Abydos. Les reconstitutions de sa trajectoire le situent dans la région marquée par une ellipse rouge, en bordure d’Hatmehit. L’image a été prise par la caméra à angle étroit Osiris, le 13 décembre 2014, à 20 km du centre de la comète, un mois après l’atterrissage de Philae. © Esa, Rosetta, MPS for OSIRIS Team MPS, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA Civa-P et Consert précisent la position de Philae L’expérience Civa-P (P pour panorama), composée de sept microcaméras, a pris une image panoramique (360°) du site d’atterrissage final de Philae. Elle révèle que les fractures déjà repérées aux grandes échelles par Rosetta se retrouvent aussi jusqu’à l’échelle millimétrique. Elles sont formées par choc thermique, en raison des grands écarts de température que connaît la comète lors de sa course autour du soleil. Cette image panoramique où apparaît par endroits un pied ou une antenne a aussi révélé la position de Philae. Il repose dans un trou de sa propre taille, couché sur le côté, avec seulement deux pieds sur trois au contact du sol, et entouré de parois qui compliquent son alimentation en énergie solaire et ses communications avec Rosetta. L’instrument Consert a quant à lui déterminé, avec trois périodes d’observations en visibilité directe entre la sonde Rosetta et Philae, la zone (150 par 15 m) où se trouve Philae. Cela a facilité la reconstitution de la trajectoire de Philae entre le premier site de contact, Agilkia, et le site d’atterrissage final, Abydos. Puis, en utilisant les signaux qui ont traversé l’intérieur de la comète, Consert a réduit l’incertitude sur la localisation de Philae (au bord de la région dénommée Hatmehit) à une bande de 21 mètres par 34 mètres. Ces recherches qui ont mobilisé des chercheurs du CNRS, d’Aix-Marseille Université, de l’Université Joseph Fourier, de l’Université Nice Sophia-Antipolis, de l’UPEC, de l’UPMC, de l’Université Paris-Sud, de l’université Toulouse III Paul Sabatier et de l’UVSQ, avec le soutien du Cnes sont publiées au sein d’un ensemble de huit articles dans l’édition du 31 juillet 2015 de la revue Science. Ces premières mesures à la surface d’une comète renouvellent l’image que l’on avait de ces petits corps du Système solaire. http://www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/actu/d/67pchuryumov-gerasimenko-philae-revele-matiere-organique-comete-tchouri-59193/#xtor=EPR-17-%5BQUOTIDIENNE%5D-20150731-%5BACTU-Philae-revele-la-matiere-organique-de-la-comete-Tchouri%5D